Les herbicides du groupe 15 sont des inhibiteurs des acides gras à très longues chaînes, ayant un rôle important dans la synthèse des lipides, la division cellulaire, le développement de la cuticule et la régulation de la morphologie cellulaire. Ils incluent huit familles chimiques dont les : chloroacétamides (diméthénamide-P (ex. : FRONTIER MAX)); thiocarbamates (triallate (ex. : AVADEX), EPTC (ex. : EPTAM)); oxycétamides (flufénacet (ex. : DEFINE DF); isoxazolines (pyroxasulfone (ex. : ZIDUA). On y retrouve plus de 42 ingrédients actifs. Ce sont des herbicides systémiques. Ils sont absorbés par le coléoptile, l’hypocotyle ou l’épicotyle, selon une diffusion passive. Ils s’accumulent dans les parties végétatives. La germination n’est pas inhibée par ces herbicides mais ceux-ci agissent sur les premiers stades de la germination, soit dans l’élongation primaire de la tige et son émergence du sol. Les espèces sensibles ne réussissent pas émerger ou meurent rapidement suite à la formation des cotylédons.
Ce groupe d’herbicide a une action résiduelle qui procure généralement un effet herbicide sur les graminées annuelles pendant toute la saison de croissance. La durée de l’activité résiduelle dépend de plusieurs facteurs dont, entre autres : le taux d’application (directement proportionnel); le moment d’application (application plus tardive amène un effet résiduel plus tardif); la température et l’humidité (leur augmentation diminue l’effet résiduel); les pluies abondantes (diminuent l’effet résiduel); l’incorporation et la profondeur d’incorporation (diminuent leur dégradation); etc. L’utilisation de ce groupe d’herbicides dans des sols grossiers, avec un faible taux de matière organique, augmente les risques potentiels de dommages à la culture. Ces herbicides persistent quelques semaines dans le sol, se liant modérément à l’argile et à la matière organique du sol. Généralement, le lessivage n’est pas problématique mais ce groupe d’herbicides se retrouve fréquemment dans les résultats d’analyses d’eau souterraines.
Quelques problèmes de résistance au groupe 15 se posent : aux États-Unis, des populations d’amarante tuberculée (Amaranthus tuberculatus) et d’amarante de Palmer (Amaranthus palmeri) ont montré de la résistance aux herbicides du groupe 15; au Canada, des populations de folle avoine (Avena fatua) a montré de la résistance à ce groupe d’herbicides; aucune résistance avec ce groupe n’a été répertoriée au Québec.
Cas DUAL II MAGNUM (S-métolachlore) – Le DUAL II MAGNUM est un herbicide appartenant à la famille chloroacétamides. La matière active de cet herbicide, le S-métolachlore, est utilisée pour lutter contre diverses mauvaises herbes à feuilles larges et les graminées dans le maïs, le soya et les légumineuses, les légumes, les arbres fruitiers, petits fruits et quelques autres cultures. Il est utilisé en pré-levée des adventices et démontre une bonne persistance d’action, étant absorbé par les jeunes pousses et les racines. Son effet phytotoxique résulte en l’inhibition de la bio-synthèse des acides gras à très longue chaîne. Il s’ensuit une rupture des cellules membranaires dans les zones de croissance active, laquelle s’effectue suite à la germination. Les plantules sensibles au S-métolachlore, qui réussissent à émerger des sols traités, deviennent déformées, tordues. L’herbicide est absorbé principalement par la tige en croissance (coléoptile, hypocotyle, épicotyle) et un peu par les racines.
Le S-métolachlore est modérément persistant et est modérément mobile dans les sols, ce qui fait qu’il présente un potentiel de lessivage élevé. Il est susceptible de contaminer l'eau souterraine par lixiviation. Cet herbicide a été détecté dans la plupart des échantillons d’eau prélevés entre 1992 et 2004 dans les eaux de surface de certaines rivières du Québec.
La résistance des plantes au S-métolachlore a été a été rapportée aux États-Unis chez des populations d’amarante tuberculée (Amaranthus tuberculatus) et d’amarante de Palmer (A. palmeri). Aucun cas de résistance à cette matière active n’a été observée au Canada.
Cas FRONTIERMDMAX (diméthénamide-P) - L’herbicide FRONTIER MAX est homologué dans différentes cultures, dont le maïs de grande culture (sauf pour le maïs destiné à la production de semences et le maïs soufflé), le maïs sucré, le soya, les haricots secs, la pomme de terre, l'oignon, le poireau, le chou, le raisin et les plantes ornementales. Il fait partie des herbicides du groupe 15, comprenant des inhibiteurs de la croissance et de la division cellulaire chez les plantules (antigerminatifs). Le FRONTIER MAX est appliqué en présemis, prélevée ou postlevée hâtive du maïs pour éradiquer essentiellement les graminées, mais détruit également quelques feuilles larges, dont le souchet comestible (Cyperus esculentus) dans la production d’oignon. En postlevée, l’herbicide n’a que très peu ou aucun effet sur les plantules déjà émergées. Appliqué au sol et absorbé par les racines et les pousses, souvent par le coléoptile, mais jamais par les feuilles. L’herbicide est transloqué uniquement par le xylème. Chez le maïs, le diméthénamide-P doit être appliqué à la surface du sol, au moins 7 jours avant le semis. Sa dégradation est principalement assurée par les microbes. La persistance est plus grande en conditions d'anaérobie et dans les sols frais. Sa demi-vie est d'environ 20 jours mais peut avoir un effet résiduel dans le sol.
Aux États-Unis, des populations d’amarante tuberculée (Amaranthus tuberculatus) ont développé de la résistance au groupe 15, dont au diméthénamide-P.
La phytotoxicité par les herbicides du groupe 15 (les chloroacétamides) pourrait être confondue avec les symptômes provoqués par d’autres groupes d’herbicides comme les herbicides auxiniques (ex: dicamba, 2,4-D) lesquels affectent uniquement les nouvelles feuilles. Aussi, des facteurs de stress pour la culture tels que l’encroûtement du sol, les températures froides ainsi qu’un semis trop profond, pourraient causer des symptômes similaires. Les symptômes de phytotoxicité avec ce groupe d'herbicides pourraient aussi être confondus avec les dommages causés par le nématode des tiges et des bulbes (Ditylenchus dipsaci) ou des carences minérales.
Pour diminuer les risques de phytotoxicité sur la culture, il faut éviter d’appliquer les herbicides du groupe 15 : en semis profond; en conditions froides et humides; à des doses élevées; en sols à texture fine avec un faible taux de matière organique; sur sol encroûté; et avec des hybrides sensibles; certaines restrictions de cultures l’année suivante avec certaines matières actives (ex : pyroxasulfone). De plus, il faut toujours respecter les consignes inscrites sur l’étiquette et bien nettoyer le pulvérisateur.
Semence : germination difficile.
Plantule : déformée, chétive, rabougrie, retard de croissance. Les graminées peuvent émettre leurs feuilles sous le sol et les tigelles prennent un aspect anormal lorsque les feuilles ne se déploient pas correctement.
Tiges : tigelles rabougries, déformées; symptômes plus sévères en certaines conditions (semis profond, conditions froides et humides; doses élevées; sols à texture fine avec faible taux de matière organique; sol encroûté; hybrides sensibles).
Feuille : suite au traitement en prélevée, présence de malformation de type enroulement anormal ou en forme de crochet ou absence de déploiement du limbe, symptôme du « shepherd’s crook » (maïs), tissus foliaires gaufrés ou plissés, pinçage à l’apex des feuilles ou « cordon de serrage » (soya); chute des cotylédons (haricot sec), chloroses et nécroses marginales. En post-levée, des feuilles difformes, tordues, étroites et enroulées en spirale peuvent apparaître sur les plantules.
Collet : présence de malformation de type gonflement ou déformation en forme de crochet.
Racine : système racinaire peu développé, brun, extrémité renflée des racines, pourriture. Les racines secondaires et les poils absorbants sont presque inexistants.
Scalla, R. et coll. (1991). Les herbicides : mode d’action et principes d’utilisation. Paris : Institut national de la recherche agronomique INRA (Éditeur). Collection : du labo au terrain. Paris, France. 450 pp.
Shaner D.L. (Ed) (2014). Dimethenamid. Dans Herbicide handbook. 10e éd. Weed science society of America, Lawrence, Kansas. P. 162-164.
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