Description

Le dépérissement neopestalotiopsisen est une maladie fongique qui affecte la fraise. Elle a été reconnue dans de nombreux pays pour causer des taches foliaires, la pourriture des fruits, ainsi que le dépérissement généralisé des plantes.

Bien qu'elle soit généralement considérée comme une maladie mineure s'attaquant aux fraisiers affaiblis, une souche particulièrement agressive (Neopestalotiopsis  spp.) a été rapportée pour causer d’importants dommages en Floride lors de la saison de culture 2018-2019. Cette souche a été détectée à l'automne 2020 dans deux champs en Ontario sur le cultivar Albion, puis au Québec en 2022, sans que les dommages n'égalent ceux en Floride.

Des travaux menés en Indiana ont montré que la virulence de cette souche est très variable selon le cultivar atteint. D'autres espèces très proches (N. clavispora et C. rosae) sont également responsables de l'apparition de symptômes sur les fraisiers. Comme cette maladie est encore peu connue, des études plus approfondies doivent être réalisées avant de pouvoir évaluer la gravité des symptômes, qui semblent varier grandement selon le cultivar affecté, la souche du champignon ainsi que les conditions environnementales favorables ou non à l'organisme phytopathogène.

Cycle de la vie

Les infections se produisent à des conditions chaudes, soit entre 15 et 30 °C, avec un optimum à 25 °C. Une humidité élevée et la pluie favorisent aussi le développement et la sporulation de Neopestalotiopsis spp. L’infection peut se produire par des éclaboussures d’eau lors de fortes pluies ou produites par le système d’irrigation. Le passage des travailleurs lorsque le feuillage est mouillé peut aussi contribuer à la propagation de l’inoculum. Selon des experts aux Pays-Bas, la propagation de Neopestalotiopsis sp. serait plus rapide en champ qu'en serre, notamment à cause de l'étroit contact entre les racines des plantes cultivées en champ ainsi que le vent et les éclaboussures d'eau de pluie qu'on ne peut contrôler. En serre, la propagation serait restreinte, notamment grâce à la possibilité de garder l'environnement plus sec. 

Des recherches plus approfondies doivent être effectuées afin de déterminer le cycle de vie de ce champignon sous nos conditions climatiques. 

Symptômes et dommages

Feuilles : La maladie débute par quelques taches foliaires arrondies au centre brun-beige et au pourtour brun légèrement plus foncé visibles sur les feuilles. La taille et la forme peuvent varier. Lorsque les conditions sont favorables, il y a sporulation du champignon et les taches augmentent alors en taille et en nombre. On observe donc une plage brune puis la brûlure des feuilles. Lorsque les conditions climatiques sont favorables au développement du champignon, des structures fongiques noires (pycnides) peuvent également être observées à la face supérieure des taches.

Fruits : Au départ, de fines ponctuations brunes (2-4 mm) sont présentes sur les fruits. Par la suite, les taches prennent de l’expansion pour former une plage de tissus brun-noir laissant paraître les fructifications fongiques noires du champignon. Les fruits infectés peuvent devenir complètement pourris et momifiés.

Collets et racines : Ce champignon cause la pourriture et le dépérissement du système racinaire. Les symptômes causés par Neopestalotiopsis spp. sont comparables à ceux causés par les autres infections fongiques du collet par Colletotrichum sp. et du système racinaire par Phytophthora sp.

Ne pas confondre

Sur les feuilles, les taches peuvent être confondues avec la tache commune du fraisier causée par (Mycosphaerella fragariae). Cependant, la marge de la tache commune est pourpre et à mesure que la maladie évolue, le centre des taches devient brun, puis gris et finalement blanc. Les dommages peuvent également ressembler à ceux de la tache pourpre (Diplocarpon earlianum, Marssonina fragariae), mais ces taches ne possèdent pas le centre plus clair. Les symptômes causés par la brûlure des feuilles (tache phomopsienne), qui est causée par Phomopsis obscurans, peuvent aussi être confondus avec les dommages foliaires lorsque la maladie causée par Neopestalotiopsis spp. est plus avancée. Cependant, les plages des tissus brûlés sont davantage pourpres que brunes lorsqu’il s’agit de Phomopsis obscurans. Les symptômes peuvent également être confondus avec ceux causés par Zythia fragariae.

Sur les fruits, les dommages peuvent ressembler à une infection par Colletotrichum sp. causant l'anthracnose. Cependant, les sporulations de Neopestalotiopsis spp. sont noires, alors que celles de Colletotrichum sp. sont orangées.

Sur le système racinaire, des tests de diagnostic en laboratoire doivent être effectués afin de déterminer la cause du dépérissement des collets et des racines.
Les dommages de taches foliaires et la pourriture du système racinaire sont très communs chez le fraisier et pourraient ne pas être associés à la présence de Neopestalotiopsis spp. lors d’une première observation au champ. Il est donc important de porter une attention particulière aux symptômes et de se référer au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ afin de faire analyser les échantillons suspects.

Méthodes de lutte

Comme elle est encore peu connue sous nos conditions, la stratégie d’intervention pour cette maladie n'est pas clairement établie. Toutefois, certaines mesures prophylactiques peuvent être réalisées. Par exemple, le choix de cultivars moins sensibles, la détection des maladies par des tests de laboratoire sur les transplants avant la plantation, le dépistage aux champs et la rotation des cultures sont quelques exemples de mesures à privilégier afin de prévenir la maladie.

En Floride, plusieurs essais sont en cours afin de déterminer la sensibilité de divers cultivars et l'efficacité des fongicides. Pour le moment, aucun produit phytosanitaire n’est homologué contre cette maladie. Lorsque les symptômes deviennent apparents sur les parties aériennes, il est généralement trop tard pour sauver la plante, car même si les taches sont visibles sur les feuilles, la cause du problème se trouve dans les organes souterrains. Toutefois, une intervention peut aider à limiter la propagation du champignon et protéger le reste de la culture.

Les recherches actuellement réalisées en Floride nous indiquent que le pathogène peut survivre dans le sol sur des résidus de culture enfouis, même si ceux-ci ont été détruits par un herbicide avant l’enfouissement. Une rotation d’au moins trois ans est recommandée afin de permettre la décomposition complète des résidus de fraisier.

Une récente publication en Floride indique que Neopestalotiopsis spp. pourrait être disséminée par le tétranyque à deux points.

Références et liens

Baggio, J., Forcelini, B., Wang, N., Ruschel, R., Mertely, J., & Peres, N., Outbreak of leaf spot and fruit rot in Florida strawberry caused by Neopestalotiopsis spp., Plant Disease, Vol. 105, No2, Februrary 2021.

Juliana S. Baggio, Bruna B. Forcelini, Nan-Yi Wang, Rafaela G. Ruschel, James Mertely and Natalia A. Peres, The American Phytopathological Society (APS),
Florida strawberry growers concerned due to Neopestalotiopsis fruit rot disease , Vegetable Growers News, April 2021.

Katie G. & Erica P. (2021, 11 mars). Pest Alert: Neopestalotiopsis – an emerging strawberry disease in North AmericaONFruit.

Rebollar-Alviter, A., Silva-Rojas, H., Fuentes-Aragón, D., Acosta-González, U., Martínez-Ruiz, M., & Parra-Robles, B., An Emerging Strawberry Fungal Disease Associated with Root Rot, Crown Rot and Leaf Spot Caused by Neopestalotiopsis rosae in Mexico., Plant Disease, Vol. 104 No8, August 2020.

Wenjing Guan, John Bonkowski, Tom Creswell, and Daniel S. Egel. Strawberry Cultivar Susceptibility to Neopestalotiopsis Leaf Spot in Indiana, Plant Health Progress 2023 24:2, 135-139

https://plant-pest-advisory.rutgers.edu/neopestalotiopsis-something-to-scout-for-in-fall-transplanted-strawberry/