Lors de la saison de culture 2018-2019, une souche plus virulente du champignon Neopestalotiopsis a été rapportée pour causer d’importants dommages dans la culture de la fraise en Floride. Ce pathogène n’est pas nouveau. Il a été rapporté depuis plusieurs années sous le nom de Pestalotia longisetula et a causé des dommages mineurs dans la fraise. Depuis quelques années, le Neopestalotiopsis clavispora (Pestalotiopsis clavispora) a été décrit dans divers pays (Espagne, Pays-Bas, Belgique, Mexique, Brésil, Argentine, Bangladesh, Vietnam, Inde) comme étant un champignon attaquant les plants affaiblis par divers stress. Maintenant, les avancées en biologie moléculaire permettent de préciser son identification. Les dommages observés seraient plutôt attribuables au Neopestalotiopsis rosae.
L’espèce détectée en Floride lors de la saison 2018-2019 s’est montrée beaucoup plus agressive que les précédentes. En plus d’attaquer le cœur des plants, elle attaque maintenant le feuillage et les fruits. L’équipe de Floride lui donne actuellement le nom de Neopestalotiopsis spp. Depuis peu, cette nouvelle espèce a été détectée dans d’autres régions de l’Amérique du Nord, incluant la Caroline du Nord, le New Jersey, la Géorgie, le Texas, la Pennsylvanie et le Mexique. À l’automne 2020, elle a été détectée dans deux champs en Ontario sur le cultivar Albion. Au Québec, l’espèce plus virulente a été détectée en 2022. Des symptômes de l’infection peuvent être observés sur toutes les parties des plantes, dont les feuilles, les fruits, les pétioles, les collets et les racines. Des difficultés d’établissement et de développement peuvent être remarquées dans les fraisières à la suite de la plantation de plantes infectées par le champignon.
Les infections se produisent à des conditions chaudes, soit entre 15 et 30 °C, avec un optimum à 25 °C. Une humidité élevée et la pluie favorisent aussi le développement et la sporulation de Neopestalotiopsis spp. L’infection peut se produire par des éclaboussures d’eau lors de fortes pluies ou produites par le système d’irrigation. Le passage des travailleurs lorsque le feuillage est mouillé peut aussi contribuer à la propagation de l’inoculum. Des recherches plus approfondies doivent être effectuées afin de déterminer le cycle de vie de ce champignon sous nos conditions climatiques.
Les recherches actuellement réalisées en Floride nous indiquent que le pathogène peut survivre dans le sol sur des résidus de culture enfouis, même si ceux-ci ont été détruits par un herbicide avant l’enfouissement.
Feuilles : La maladie débute par quelques taches foliaires au centre brun-beige et au pourtour brun légèrement plus foncé visibles sur les feuilles. La taille et la forme peuvent varier. Lorsque les conditions sont favorables, il y a sporulation du champignon et les taches augmentent alors en taille et en nombre. On observe donc une plage brune puis la brûlure des feuilles. Lorsque les conditions climatiques sont favorables au développement du champignon, des structures fongiques noires (pycnides) peuvent également être observées à la face supérieure des taches.
Fruits : Au départ, de fines ponctuations brunes (2-4 mm) sont présentes sur les fruits. Par la suite, les taches prennent de l’expansion pour former une plage de tissus brun-noir laissant paraître les fructifications fongiques noires du champignon. Les fruits infectés peuvent devenir complètement pourris et momifiés.
Collets et racines : Ce champignon cause la pourriture et le dépérissement du système racinaire. Les symptômes causés par Neopestalotiopsis spp. sont comparables à ceux causés par les autres infections fongiques du collet par Colletotrichum sp. et du système racinaire par Phytophthora sp.
Sur les feuilles, les taches peuvent être confondues avec la tache commune du fraisier causée par (Mycosphaerella fragariae). Cependant, la marge de la tache commune est pourpre et à mesure que la maladie évolue, le centre des taches devient brun, puis gris et finalement blanc. Les dommages peuvent également ressembler à ceux de la tache pourpre (Diplocarpon earlianum, Marssonina fragariae), mais ces taches ne possèdent pas le centre plus clair. Les symptômes causés par la brûlure des feuilles (tache phomopsienne), qui est causée par Phomopsis obscurans, peuvent aussi être confondus avec les dommages foliaires lorsque la maladie causée par Neopestalotiopsis spp. est plus avancée. Cependant, les plages des tissus brûlés sont davantage pourpres que brunes lorsqu’il s’agit de Phomopsis obscurans. Les symptômes peuvent également être confondus avec ceux causés par Zythia fragariae.
Sur les fruits, les dommages peuvent ressembler à une infection par Colletotrichum sp. causant l’anthracnose. Cependant, les sporulations de Neopestalotiopsis spp. sont noires, alors que celles de Colletotrichum sp. sont orangées.
Sur le système racinaire, des tests de diagnostic en laboratoire doivent être effectués afin de déterminer la cause du dépérissement des collets et des racines.
Les dommages de taches foliaires et la pourriture du système racinaire sont très communs chez le fraisier et pourraient ne pas être associés à la présence de Neopestalotiopsis spp. lors d’une première observation au champ. Il est donc important de porter une attention particulière aux symptômes et de se référer au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ afin de faire analyser les échantillons suspects.
La stratégie d’intervention pour cette maladie est à établir. Comme elle est encore peu connue sous nos conditions, des études plus approfondies doivent être réalisées. Toutefois, certaines mesures prophylactiques peuvent être réalisées. Par exemple, le choix de cultivars moins sensibles, la détection des maladies par des tets de laboratoire sur les transplants avant la plantation, le dépistage aux champs par l’observation des symptômes et le diagnostic de la maladie en laboratoire sont quelques exemples de mesures à privilégier afin de prévenir la maladie. Selon des experts aux Pays Bas, la propagation de Neopestalotiopsis sp. serait plus rapide en champ qu'en serre, notamment à cause de l'étroit contact entre les racines des plantes cultivées en champ ainsi que le vent et les éclaboussures d'eau de pluie qu'on ne peut contrôler. En serre, la propagation serait restreinte, notamment grâce à la possibilité de garder l'environnement plus sec.
En Floride, plusieurs essais sont en cours afin de déterminer la sensibilité de divers cultivars à la maladie, ainsi que les fongicides qui pourraient être efficaces contre ce pathogène. Pour le moment, aucun fongicide n’est homologué contre cette maladie. Lorsque les symptômes deviennent apparent sur les parties aériennes, il est généralement trop tard pour sauver la plante, car même si les taches sont visibles sur les feuilles, la cause du problème se trouve dans les organes souterrains. Toutefois, il s'agit d'un signal comme quoi il faut protéger le reste de la culture.
Une récente publication en Floride indique que lorsque la maladie est présente dans un champ, elle pourrait être dispersée par le tétranyque à deux points. De plus, les recommandations actuelles lorsque le champignon est détecté dans un champ sont de faire une rotation d’au moins trois ans afin de permettre la décomposition complète des résidus de fraisier.
Baggio, J., Forcelini, B., Wang, N., Ruschel, R., Mertely, J., & Peres, N., Outbreak of leaf spot and fruit rot in Florida strawberry caused by Neopestalotiopsis spp., Plant Disease, Vol. 105, No2, Februrary 2021.
Juliana S. Baggio, Bruna B. Forcelini, Nan-Yi Wang, Rafaela G. Ruschel, James Mertely and Natalia A. Peres, The American Phytopathological Society (APS), Florida strawberry growers concerned due to Neopestalotiopsis fruit rot disease , Vegetable Growers News, April 2021.
Rebollar-Alviter, A., Silva-Rojas, H., Fuentes-Aragón, D., Acosta-González, U., Martínez-Ruiz, M., & Parra-Robles, B., An Emerging Strawberry Fungal Disease Associated with Root Rot, Crown Rot and Leaf Spot Caused by Neopestalotiopsis rosae in Mexico., Plant Disease, Vol. 104 No8, August 2020.
https://onfruit.ca/2021/03/11/pest-alert-neopestalotiopsis-an-emerging-strawberry-disease-in-north-america/
https://plant-pest-advisory.rutgers.edu/neopestalotiopsis-something-to-scout-for-in-fall-transplanted-strawberry/
https://strawberries.ces.ncsu.edu/2020/09/a-new-disease-is-emerging-neopestalotiopsis-fruit-rot/