Cet épi de blé de printemps est déformé et stérile. Ces anomalies sont attribuables à l’herbicide MCPA, appliqué entre la levée et le stade trois feuilles du blé.
Description

Les herbicides du groupe 4 regroupent les herbicides de type phytohormones de synthèse (ou régulateurs de croissance) et incluent les familles d’herbicides telles que les auxines synthétiques (phytohormones synthétiques ou acides phénoxy-carboxyliques), les acides benzoïques et les acides pyridiniques-carboxyliques. Ces herbicides sont absorbés prioritairement par le feuillage mais aussi par les racines. Ils peuvent s'accumuler dans les zones de division cellulaire intensive (méristème, bourgeon, racine) et sont transloqués dans la plante via le xylème et le phloème. Ce groupe d’herbicides affecte la balance hormonale et la synthèse des protéines (et autres constituants cellulaires), entraînant une perturbation de la division cellulaire et de l’élongation, ce qui se traduit par une croissance anormale de la plante (ou malformation).
 
Plus en détail, les symptômes de phytotoxicité chez les céréales, associés à leur usage sont habituellement : un léger flétrissement des tissus dans les minutes qui suivent, des courbures épinastiques et en quelques heures l’arrêt de la croissance. L’activité des méristèmes primaires est inhibée contrairement à celle des méristèmes secondaires : la croissance des racines primaires s’arrête et quelque fois leur extrémité gonfle alors qu’il y a initiation de racines secondaires.
 
À de fortes concentrations, les herbicides de type hormonaux montrent une activité « de contact ». Il y a brunissement, dessèchement et nécrose des tissus végétaux touchés. Ceci limite la migration de l’herbicide dans la plante et diminue son efficacité agronomique. Parce que les herbicides hormonaux se déplacent dans la plante et que leur action s’exerce sur certaines synthèses biochimiques, la température conditionne de façon importante leur activité herbicide. À des températures élevées, l’activité métabolique des végétaux est intense de même que le transport des herbicides hormonaux vers leur(s) site(s) d’action. Cette activité assure aux herbicides un effet maximal alors qu'à de basses températures, le métabolisme végétal est ralenti et l’effet herbicide peut être presque nul.
 
Les herbicides dicamba et MCPA sont homologués dans la culture des céréales. Ils sont normalement pulvérisés en postlevée car un usage trop hâtif peut être dommageable à la culture des céréales. Des symptômes de phytotoxicité peuvent aussi apparaître si l'herbicide est appliqué à des températures élevées (> à 25 oC) : les phytohormones risquent alors de « brûler » les céréales.

Plusieurs populations de mauvaises herbes résistantes aux herbicides du groupe 4 ont été retrouvées aux États-Unis; quelques populations au Canada (gaillet bâtard (Gallium spurium), ortie royale (Galeopsis tetrahit), kochie à balai (Kochia scoparia), centaurée du Rhin (Centaurea stoebe), moutarde des champs (Sinapis arvensis) et carotte sauvage (Daucus carota)) mais aucune espèce n’a été trouvée résistante au Québec.
 
Cas dicamba – Le dicamba est un herbicide de la famille des acides benzoïques. Il est considéré comme un régulateur de croissance et est utilisé pour lutter contre les mauvaises herbes à feuilles larges, annuelles, bisannuelles et vivaces. Le dicamba est homologué dans la culture des céréales, du maïs, des prairies et du bleuet nain. Il est habituellement pulvérisé en postlevée de la culture des céréales et le contact entre l’herbicide et la semence doit être évité. Les herbicides régulateurs de croissance peuvent causer toute une variété d’anomalies de croissance chez les espèces sensibles, selon l’intensité de leur exposition au produit. Les symptômes de phytotoxicité se rapportant au dicamba sont des déformations (épinastie) et une élongation anomale de la tige, le jaunissement des points de croissance, le flétrissement et la nécrose des tissus. Parce que le dicamba est systémique, les symptômes qui lui sont attribuables apparaissent à la suite de la translocation du produit dans la plante, autant par le phloème que le par le xylème et généralement chez les plus jeunes feuilles, ce qui peut prendre d’un à trois jours. Les symptômes au champ présentent un gradient allant du plus affecté au moins affecté, à mesure que l’on s'éloigne de la zone traitée.

La résistance des plantes au dicamba a été rapportée aux États-Unis chez deux espèces de mauvaises herbes : le kochie à balai (Kochia scoparia) et la laitue scariole (Lactuca serriola). Au Canada, la résistance a été retrouvée chez trois espèces : l’ortie royale (Galeopsis tetrahit), le kochie à balai (Kochia scoparia) et la moutarde des champs (Sinapis arvensis). Aucune espèce n’est résistante au Québec.
   
Cas MCPA – Le MCPA peut être utilisé sous trois formes (forme de sels, ester ou amine) afin de lutter contre la plupart des mauvaises herbes à feuilles larges. Il s’agit d’un herbicide systémique qui est absorbé rapidement par les feuilles ou les racines. La forme ester du MCPA pénètre plus rapidement la cuticule que les formulations amine ou sels. La forme ester est peu soluble dans l’eau mais se dissous rapidement dans l’huile ou les solvants organiques. Cette forme est plus volatile que les autres formes, et donc plus sujette à la dérive. Le MCPA est homologué dans plusieurs cultures : céréales, maïs, graminées fourragères, asperge, fraise et framboise, canneberge, arbres fruitiers et gazon. Il est appliqué en post-levée. Il est absorbé par les feuilles et migre via le phloème vers les méristèmes. Il compte parmi les herbicides les plus mobiles de la famille des acides phénoxy-carboxyliques. Les symptômes de phytotoxicité se rapportant au MCPA incluent : des déformations (épinastie) de la tige et un jaunissement des points de croissance, une inhibition de la croissance, le flétrissement et la nécrose des tissus. Les espèces sensibles peuvent mourir dans un délai de 3 à 5 semaines suite à l’application de l’herbicide.
 
Le MCPA est faiblement persistant dans les sols mais très mobile et susceptible d’être lessivé : il pourrait être entraîné dans les eaux sous-terraines.
 
Des populations de mauvaises herbes résistantes au MCPA ont été confirmées un peu partout dans le monde : aux États-Unis, une population de laitue scariole (Lactuca serriocola) et au Canada, la moutarde des champs (Sinapis arvensis) ainsi que l’ortie royale (Galeopsis tetrahit). Aucune espèce n’est résistante au Québec.

Ne pas confondre

La phytotoxicité par les auxines synthétiques (ou acides phénoxy-carboxiliques) peut être confondue avec d’autres phytotoxicités causées par les herbicides appartenant aux acétanilides, aux acides benzoïques, aux imidazolinones, aux sulfonylurées, aux dinitroanilines et aux thiocarbamates. On peut aussi confondre avec les dommages causés par l’application d’insecticide au sol, l’encroûtement du sol, une plantation trop ou peu profonde, la compaction du sol ou les nématodes.

Prévention

Pour diminuer les risques de phytotoxicité, il faut éviter les dérives sur les cultures lors de l’application, utiliser des jets dirigés au besoin, ne pas appliquer par temps venteux, respecter les consignes inscrites sur l’étiquette et bien nettoyer le pulvérisateur.

Dommage

Fleurs: quelquesfois stériles ou manquantes.

Épi : déformation et stérilité.

Références et liens

Scalla, R. et coll. (1991). Les herbicides : mode d’action et principes d’utilisation. Paris : Institut national de la recherche agronomique INRA (Ed). Collection : du labo au terrain. Paris, France. 450 pp.

Shaner D.L. (Ed) (2014). Dicamba. Dans Herbicide handbook. 10e éd. Weed science society of America, Lawrence, Kansas. p. 139-141.

Shaner D.L. (Ed) (2014). MCPA. Dans Herbicide handbook. 10e éd. Weed science society of America, Lawrence, Kansas. p. 283-284.

Yarish W. (Ed) (1986). A field guide to recognizing herbicide action and injury. 1ère éd. Agdex 641-7. Alberta Agriculture, Edmonton, Canada. 58 pp.

http://www.omafra.gov.on.ca/french/crops/facts/00-062.htm

http://www.cof.orst.edu/cof/fs/kpuettmann/FS%20533/Vegetation%20Management/Herbicide%20Mode%20of%20Action%20and%20Injury%20Symptoms.htm